Armand Masson : Oeuvre inconnue

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L’homme avait dû marcher longtemps; il était vieux,

Parcheminé, le chef branlant, le dos en voûte.

Sur le bord du chemin, il cassait une croûte,

Près d’une source claire au gazouillis joyeux.

Il tenait dans ses doigts un bouquet d’églantine:

Assis, le cul dans l’herbe, il mordait son pain noir

Avec tant d’appétit que je voulus savoir

Ce qu’il avait de bon sur sa maigre tartine.

Je n’étais qu’un enfant: tu ne comprendras pas,

Mais qu’importe, dit-il, avec un bon sourire…

Vois-tu, quand on est gueux et qu’on n’a rien à frire,

Il est encore moyen de faire un bon repas.

Si pénible que soit la route où l’on chemine,

Il est des coins ombreux et des buissons fleuris:

Cueille en passant les fleurs; c’est toujours ça de pris

Pour la mauvaise étape et les jours de famine.

Compose ton bouquet et choisis tes parfums.

L’hiver venu, – plus tard tu comprendras ces choses! –

On mange son pain sec en respirant les roses

Des paradis perdus et des printemps défunts.

Armand Masson : Oeuvre inconnue

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